lundi 24 mai 2010

les yeux dans le (terrain) vague

L’autre jour, en partant au boulot, j’ai croisé une palissade ouverte. Je passe devant chaque matin, et je ne me suis jamais vraiment demandé ce qu’il y a derrière. Probablement n’ai-je pas encore assez de café dans le sang, à l’heure où je la côtoie, pour me poser des questions intelligentes (si tant est que le reste du temps…) Alors comme s’il fallait qu’elle s’impose à moi malgré tout, l’étendue de derrière la palissade a ouvert ses portes. Et sans m’être jamais posé la question, j’ai eu la réponse : derrière la palissade, il y a un no man’s land, avec des creux, des bosses, et de l’herbe qui pousse de manière anarchique. Il y a de la caillasse et une espèce de sable sale de ville. C’est grand, sans être immense. Un bout de terrain qu’on n’a pas pris la peine de dompter, au milieu des immeubles bien carrés et bien propres sur eux. Ça m’a plu.
Il m’est revenu ce terme, que j’entendais gamine et que je n’entends plus guère : « terrain vague ».
Je n’ai jamais particulièrement réfléchi à cette expression, un « terrain vague ». Je ne sais pas d’où elle vient, qui a eu un beau jour l’idée d’accoler ces deux mots pour désigner un bout de ville que la civilisation n’a pas tout à fait conquis. Mais ce matin-là, subitement, elle m’a semblé très belle et très poétique. Peut-être simplement parce que je n’avais pas assez de café dans le sang, hein, je veux bien admettre que j’ai parfois des élans lyriques qui sont un tantinet bas de plafond. Mais depuis, ça me titille.

Vague adj : qui est sans précision, mal déterminé.

Des terrains vagues. Des zones mal déterminées, et sans précision, au milieu d’un grand ensemble urbain. Des zones un peu floues, où tout est encore possible, y compris du « rien ». Voilà une bonne nouvelle ! Au milieu de cette ruche permanente, où tout est précis, où tout a un rôle, où tout doit être rentable, où tout doit rester à sa place pour ne pas que la machine déraille, il existerait des espaces indéfinis. Des cases vides, que l’on n’aurait pas encore corsetées dans une fonction unique. Des surfaces de dégagement, des zones où l’on pourrait simplement se poser, être en « latence », comme nous l’avons tous été au cours de notre développement. Juste quelque chose d’essentiel, pour être pleinement humain, donc.

Vague n f : mouvement ondulatoire de la surface de l’eau, généralement dû à l’action du vent.

Un terrain-vague. Un lieu de rêverie. La mer qui s’insinue, en pensée, entre le béton et l’air pollué. Le flux et le reflux, le rythme de la lune, comme réponse à la frénésie des gens qui bossent, qui font leurs courses, qui rentrent de l’école… Le petit bruit de l’eau, au milieu de celui des klaxons et des gens énervés. Un refuge, presque ? Allez savoir…

Non, vraiment, c’est une jolie expression, un « terrain vague ».

Je vis en ville. Dans une grande ville. Le moins que l’on puisse dire est que ça n’était pas une aspiration de départ, mais j’y vis sans ressentiment et sans colère : c’est comme ça. Je sais pourquoi j’ai finalement choisi d’habiter là. Je sais ce que j’y aime. Je sais ce que j’y supporte sans entrain. Et je sais ce que j’y déteste. Au premier rang de ces choses haïes, le sentiment permanent de ne jamais avoir l’espace qui m’est vital à disposition. La ville est grande, mais sa façon de me faire une place est trop petite. J’étouffe.

Il y a de moins en moins de « terrains vagues » dans nos cités. Et je ne suis pas sûre que ça soit bon signe. Cela fait une sacrée paye que je n’ai plus entendu cette expression, prononcée par personne. Ben ma p’tite dame, au prix du terrain, vous rigolez ! Les petites digressions sur les espaces de rêverie, tout ça, c’est bien joli, mais ça rapporte rien. On philosophera quand on sera riches. On s’en fout, nous, que les gens se sentent oppressés, compressés, hachés, qu’il n’y ait plus un mètre carré de leur ville qui ne soit pas mis en coupe réglée. On s’en fout : on veut des sous !

Je sais. Houlà, oui, je sais. Mais j’ai le droit de trouver ça dommage, quitte à prendre les choses par le petit bout de ma lorgnette de nana qui n’y connait rien à l’urbanisme.

J’ai croisé un genre de terrain vague, l’autre jour, et ça m’a plu. Ça m’a apaisée et invitée à la rêverie, pas uniquement linguistique. J’ai trouvé la journée plus douce, ensuite. Je ne dis rien de plus que ça.

samedi 8 mai 2010

Ainsi va la vie...

... Qu'elle est parfois prenante, saisissante, envoutante, hotte aspirante (ah non, pardon, pas hotte aspirante, mais j'ai plus de rimes en -ante).

Déjà 2 mois depuis le dernier post ici. C'est pas qu'il ne se soit rien passé depuis, c'est juste que je n'ai pas eu que mon écran à m'occuper. Ben non. Alors je le fais rapide, juste pour dire que les choses suivent leur cours:

- Un projet de second recueil de nouvelles doit tourner en ce moment dans le comité de lecture Quadrature (à moins qu'il ne dorme momentanément sur un coin de bureau ou dans un cartable en vieux cuir). Affaire à suivre.

- Shi-zen, le magazine éthique et pas toc poursuit son bonhomme de chemin. Il est désormais officiellement mensuel (sortie en début de mois), et semble conquérir une grande partie des gens qui se penchent de près sur son cas. On est bien contents.


C'est tout? Heu, ben oui, je crois... Dis donc, 2 mois pour pondre un billet aussi passionnant, c'est foutage de gueule et compagnie, non? (*joker*)