Cette année aura été, pour moi, celle d'une nouvelle expérience. A la demande de la fondation M6, j'ai fait partie des auteurs invités à aller rencontrer des détenus, autour d'un concours d'écriture mené depuis plusieurs années déjà en milieu carcéral (si vous voulez en savoir plus, c'est ici que ça se passe.)
La fondation m'a demandé, comme elle le demande à chaque auteur, d'écrire un "retour" sur ces rencontres.
C'est un exercice assez compliqué, de mettre des mots là-dessus. Voici ceux qui me sont venus, après pas mal de temps à tourner autour du pot... Et je les partage ici aussi, parce qu'on ne parle jamais trop, à mon goût, de tous les "à la marge" de notre société (quelles que soient ces marges).
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Il y a, dans l’écriture, pour moi, une ambivalence absolue.
La fondation m'a demandé, comme elle le demande à chaque auteur, d'écrire un "retour" sur ces rencontres.
C'est un exercice assez compliqué, de mettre des mots là-dessus. Voici ceux qui me sont venus, après pas mal de temps à tourner autour du pot... Et je les partage ici aussi, parce qu'on ne parle jamais trop, à mon goût, de tous les "à la marge" de notre société (quelles que soient ces marges).
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Il y a, dans l’écriture, pour moi, une ambivalence absolue.
J’écris
le plus souvent seule derrière mon écran. Seule, dans les faits, au moment
précis où je choisis, où je travaille les mots. Dans ma bulle. En pensée, loin
de tout ce qui n’est pas le texte à façonner.
Mais
je n’écris jamais seule, au fond. J’écris nourrie d’Autres. D’individualités, d’humanités,
de regards. J’écris abreuvée d’échanges et de souvenirs, d’images, de
mouvements, de corps, de mots, de sons, de vibrations, d’histoires singulières.
J’écris cernée de parfums, de saveurs, de couleurs. De forces et de fragilités.
C’est tout cela, pour moi, l’essence même de l’écriture. Ce qui en fait la
raison d’être.
J’écris pour construire ou déconstruire des rencontres imaginaires. Et ces rencontres imaginaires sont comme des échos aux rencontres réelles. Comme des reflets du monde qui m’entoure. Que je ne raconte pas. Pas comme il est, en tout cas, pas factuellement. Je le tords, toujours, pour le regarder autrement, lui faire face, pour le questionner, pour tenter de le comprendre ou de l’aimer, parfois (et j’ai du mal, souvent), voire pour fantasmer de le changer.
Dans
une interview que j’écoutais récemment, j’entendais Delphine de Vigan
dire : « j’écris parce que je ne sais rien faire d’autre face à la
violence du monde ». Je suis, en tant qu’auteure, exactement de ce même
bois.
J’écris
donc seule, mais avec des centaines ou des milliers de gens, consciemment ou
inconsciemment, autour de moi. En moi. Qui me protègent, autant qu’ils me
bousculent. Qui m’émeuvent, me bouleversent, ou m’exaspèrent. J’écris bardée de
sentiments contraires.
Et
comme un effet balancier, comme un genre de mouvement perpétuel, une fois que
j’ai écrit, le texte est parfois, à nouveau, le médiateur d’autres rencontres,
d’autres découvertes, d’autres échanges. Ce qui esquisse la possibilité d’un
texte suivant. Et ainsi va la vie de l’écriture.
Ce
que je sais, après mon passage en maison d’arrêt, après les instants
impossibles à raconter qui s’y sont déroulés (car oui, les auteurs peuvent
AUSSI manquer de mots, que voulez-vous... !), c’est que le prochain texte
que j’écrirai naitra bercé par de nouveaux regards. De nouveaux souvenirs,
intenses, particuliers, uniques. Qu’il prendra corps baigné du souvenir des
rires et des souffrances évoquées, des échanges parcourant toute la gamme entre
« anecdotique » et « profond », des mots offerts à l’oral
ou à l’écrit.
Le
reste, c’est de l’ordre de l’indicible, de l’intime.
Il y
a, derrière les murs de la prison, je le crois, de la laideur et de la beauté.
De la dureté et de la tendresse. Du désespoir et de la joie. De la pudeur et du
besoin de dire. Entrelacés, mêlés, tressés.
C’est
en tout cas avec tout ça que j’en suis repartie. Nettement plus riche qu’avant.
Ce
n’est pas ça que j’écrirai. Mais
j’écrirai avec ça.